L’unité d’habitation que vous avez chacun construite est-elle un modèle à reproduire ?
Carles Baiges Camprubí : Nous sommes très heureux que le projet que nous avons réalisé ne soit pas le dernier du genre. D’autres initiatives ont suivi, même s’il est difficile de reproduire à 100 % ce qui s’est passé dans un contexte et des conditions spécifiques. Cependant, beaucoup d’autres choses se sont produites après La Borda, et nous sommes ravis qu’il en soit ainsi. En effet, s’il n’y avait eu qu’un seul projet exceptionnel, cela aurait pu être perçu comme un échec. Notre objectif a toujours été de proposer quelque chose de reproductible et d’aider d’autres projets à avancer.
Pouvez-vous donner un exemple de quelque chose qui a été reproduit à partir de ce projet ?
Carles Baiges Camprubí : La première chose qui me vient à l’esprit est la question des places de stationnement. La Borda a clairement exprimé son refus d’inclure un parking souterrain. Pour rendre cela possible, nous avons dû modifier la réglementation en vigueur, car le parking souterrain était une obligation pour les nouvelles constructions. Grâce à notre initiative à La Borda, les nouvelles constructions peuvent désormais se passer de parking souterrain. D’autres aspects, comme la gestion des espaces communs ou les choix de typologie, sont également des solutions qui ont été reprises dans d’autres projets.
Nous savons que La Borda suscite l’intérêt et que de nombreux projets s’en inspirent en intégrant certains de ses aspects. Nous n’avons pas inventé ces pratiques, mais nous sommes ceux qui les avons introduites dans notre contexte local. Par exemple, lorsque nous avons évoqué ces typologies ou le principe des espaces partagés, on nous a dit que cela fonctionnait dans les pays du nord de l’Europe, mais que cela ne correspondait pas aux mentalités méridionales. Nous avons donc vu notre rôle comme celui de démontrer que ce type d’architecture était non seulement réalisable, mais aussi souhaitable dans un contexte méditerranéen. Enfin, nous pouvons nous féliciter d’avoir œuvré à assouplir un cadre réglementaire très rigide. La Borda a ouvert un champ de possibilités qui n’existait pas auparavant.



Le bâtiment Weinlager est-il un modèle à reproduire ?
Philipp Esch : Dans un sens plus général, une bonne architecture a toujours une dimension exemplaire. Elle ne se limite jamais à un cas spécifique et s’efforce toujours d’atteindre une validité générale. Dans le cas du Weinlager, il y a tellement de questions, de questions sociales, de questions de durabilité, de questions de genius loci qui pourraient être prises en considération et éventuellement servir de modèle. Il existe de nombreuses interactions à l’intérieur du bâtiment, mais aussi avec le quartier environnant. Le Weinlager rayonne vers l’extérieur. Et bien sûr, il y a les questions de construction, la façon dont les choses ont été faites pour durer, la faible empreinte carbone, la façon dont 2/3 de l’énergie est produite sur le site.
Le projet dans son ensemble devrait encourager les gens à être moins axés sur les produits et plus sur les processus lorsqu’ils planifient des projets résidentiels.
Dans la plupart des cas, nous avons un cahier des charges très spécifique à remplir. Si vous ajoutez à cela le fait d’intervenir sur une structure existante, vous vous rendez compte que beaucoup de choses sont imprévisibles. Cela conduit à des appartements beaucoup plus intéressants, à des interactions beaucoup plus intéressantes avec le client, le tout dans un cadre de complicité avec les planificateurs, les autorités et les clients. Ce degré de complexité, caractéristique du travail dans des cadres existants, est généralement très prometteur.
Zurich est le foyer d’une culture de l’habitat coopératif unique au monde par son ampleur. Le bâtiment Weinlager, qui n’est pas une coopérative, s’inspire-t-il de cette culture ? Dans quel sens ?
Philipp Esch : Notre bureau est à Zurich et nous sommes en effet très ancrés dans la culture de l’habitat coopératif. En ce qui concerne l’esprit coopératif, le Weinlager est sans aucun doute un projet de logement collectif qui permet et à certains égards encourage la vie coopérative. Cela pas tant dans le sens d’une prise de pouvoir par les habitants sur le lieu de vie, que d’une influence des foyers sur leur environnement.
Le client était très préoccupé par l’impact plus large du Weinlager. Cela allait de pair avec le fait qu’il est également impliqué dans la conception et la planification du quartier.
En ce qui concerne l’organisation des habitations elles-mêmes, les questions auxquelles nous avons été confrontés sont les mêmes que celles qui déterminent la vie en coopérative. De quoi ai-je besoin ? De quoi puis-je me passer et combien puis-je mettre en commun avec mes voisins ? Il ne s’agit pas de se priver ou de vivre avec moins. Cette expérience de partage doit être considérée comme un gain. Quelque chose d’ajouté, comme des chambres d’hôtes, des espaces de coworking, de grands ateliers en sous-sol, une cuisine commune sur le toit, du covoiturage, une buanderie sur le toit. Il y a beaucoup d’équipements à partager, et cela s’ajoute aux aspects privatifs de logement.
En termes d’impact environnemental, la conversion des trois niveaux de sous-sol existant en parkings pour le quartier a un impact considérable sur la libération des rues environnantes des voitures en stationnement. Cela signifie également que tous les bâtiments environnants ne doivent forcément construire des parkings. Et, bien sûr, le plus important, c’est que tout cela existait déjà. Nous n’avons pas creusé un parking souterrain de trois étages. Le Weinlager offrait cette possibilité, puisque les cuves à vin se trouvaient en sous-sol.
Carles Baiges Camprubí : Ce que vous décrivez comme l’effet du bâtiment sur son environnement est en fait un niveau de coopération qui va au-delà des questions de voisinage au sein d’un même immeuble ; le bâtiment coopère d’une certaine manière avec d’autres bâtiments.
Philipp Esch : Absolument. Et c’est aussi quelque chose que Carlès a mentionné à propos de La Borda. Le Weinalger et La Borda ne sont pas des navires naviguant seuls dans l’océan. La manière dont ces deux bâtiments rayonnent au-delà de leur périmètre strict est au moins aussi importante que ce qui se passe à l’intérieur.



Bâle et Barcelone sont des contextes très différents, mais j’ai l’impression que dans les deux cas, il y a une dynamique politique et une poussée de certaines personnes et communautés contre un certain modèle qui considère l’habitat uniquement comme une marchandise.
D’une part, l’essor du modèle coopératif en Suisse est également structurel, lié à la manière dont la richesse est redistribuée dans la société. En Catalogne, l’embourgeoisement de la ville et l’impact de l’excès de tourisme sur les prix de l’immobilier suscitent une inquiétude croissante. Je me demandais comment, dans ces deux cas, vous conceviez votre rôle d’architecte dans le contexte de ces tensions.
Le prix a été lancé parce que nous pensions que le logement allait devenir, pour toutes ces raisons, une question de plus en plus cruciale à l’avenir. Je me demande si, en tant qu’architectes, vous vous reconnaissez dans ces tensions émergentes.
Carles Baiges Camprubí : Notre rôle en tant qu’architectes est un sujet que nous avons abordé à de nombreuses reprises. Nous devons reconnaître que nous ne sommes qu’un élément d’un jeu ou d’un écosystème bien plus vaste. Il existe de très bons architectes qui, involontairement, contribuent à des processus de spéculation et de gentrification. D’une certaine manière, il est très difficile d’échapper à ces mécanismes. C’est pourquoi nous n’avons pas seulement besoin d’une bonne architecture, mais aussi de bonnes politiques pour garantir que le logement évolue dans la bonne direction.
Cela dit, nous pensons également que nous pouvons avoir un impact en tant qu’architectes. Au moment de prendre une décision finale, nous pouvons toujours choisir de participer ou non à des projets qui s’engagent trop loin dans la mauvaise direction. Et bien sûr, avant de refuser, nous pouvons aussi tenter d’améliorer les choses, même dans un cadre problématique. Par exemple, une conception réfléchie peut rendre les bâtiments plus ouverts sur leur quartier, éviter que des logements exemplaires ne se transforment en gated communities, et instaurer une certaine porosité. Chacun peut agir sur son mode de vie, et les architectes ne font pas exception.
Les deux projets dont nous parlons fonctionnent comme des modèles pour d’autres manières de produire du logement. Il y a quelque chose dans l’évolution de la société en matière de logement qui nous pousse vers ces modèles, que nous le voulions ou non. Ce que je trouve particulièrement intéressant dans le Weinlager, c’est non seulement la réutilisation d’une partie de la structure existante, mais aussi le fait que les ajouts ont été conçus en anticipant leur évolution future. Cela souligne l’idée que, même si notre champ d’action en tant qu’architectes est limité, nous avons un impact, et nous devons en être conscients.
Philipp Esch : Avec le recul, je réalise la chance que j’ai de vivre dans un pays où 2/3 de la population est locataire et non propriétaire. Face à l’atomisation qui est la conséquence immédiate de la propriété, il devient extrêmement compliqué d’être inventif. A cela s’ajoute le fait que la densité est un facteur clé de la durabilité. L’habitat collectif peut favoriser la densité, mais une ville occupée par des propriétaires a plus de chance d’être une ville qui s’étale.
Le bâtiment est conçu comme un complexe d’habitation avec des services supplémentaires. Y a-t-il un lien entre la tradition hôtelière suisse et ce type d’habitat collectif ?
Philipp Esch : Non, il y a un malentendu. Dans un hôtel, les services supplémentaires sont des biens de consommation. Dans le Weinlager, les espaces partagés ne sont que des éléments de la vie en commun. Leur succès dépend de la manière dont les habitants les activent, et non de la possibilité de les commercialiser.
En plaçant l’habitant au cœur du processus de conception de l’espace, l’habitat coopératif enlève-t-il des prérogatives à l’architecte ?
Carles Baiges Camprubí : Non, les coopératives sont des clients comme les autres. Même si les habitants ne choisissent pas ce que nous considérons comme la meilleure solution, c’est à eux de décider : ce sont eux qui vont y vivre, c’est leur projet. Dans de nombreux cas, nous laissons même certaines parties du bâtiment inachevées pour qu’elles soient terminées plus tard. Il s’agit généralement d’espaces communs.
Les besoins d’un client peuvent évoluer, et il est important de l’accepter et de l’anticiper.
En ce qui concerne l’agencement des logements, là encore, ce sont les utilisateurs qui ont le dernier mot, même si nous ne sommes pas d’accord avec tous leurs choix. Dans certains projets, nous aurions aimé aller plus loin en termes de matériaux ou de typologie radicale. Mais, encore une fois, c’est le client qui décide. Cela ne concerne pas uniquement les coopératives : les architectes en général doivent faire preuve de plus d’humilité.
L’habitat coopératif souffre encore trop des difficultés d’accès au financement. Comment cela a-t-il été résolu en Catalogne ?
Carles Baiges Camprubí : Dans le cas de La Borda, la collecte de fonds a été assez exceptionnelle : plus de 300 entités ou particuliers ont prêté de l’argent au projet. Nous n’avons pas voulu emprunter la voie traditionnelle du financement bancaire, et même si nous l’avions fait, les banques ne nous auraient pas prêté d’argent.
Depuis, les choses se sont améliorées. Aujourd’hui, il existe des sociétés financières éthiques qui prêtent aux coopératives, ainsi qu’une sorte de banque publique qui leur accorde des prêts. Nous avons également appris à mieux cibler les subventions et à éviter que des personnes ne soient exclues d’un projet coopératif pour des raisons économiques.
Cependant, ces dernières années, la hausse des taux d’intérêt et l’augmentation de 25 % du coût des matériaux de construction ont compliqué la situation. Les gains obtenus grâce à ces améliorations financières sont souvent absorbés par l’augmentation des coûts.
Philipp Esch : Compte tenu de la longue tradition de l’habitat coopératif, les banques suisses prêtent facilement à ce type de projet. Pour un banquier, les coopératives sont probablement les clients les plus fiables qu’il puisse avoir. Elles sont généralement propriétaires du terrain sur lequel elles construisent, et la coopérative est le propriétaire légal des biens qu’elle administre. Toutes les garanties sont donc réunies.
Dans le cas de weinlager, il s’agit d’une fondation privée qui s’engage à fournir des logements abordables.
Bâle connaît un boom immobilier, que l’on pourrait qualifier de spéculatif et qui a pour conséquence la multiplications des tours de bureaux et des appartements de luxe. Cette situation immobilière globale est-elle susceptible de nuire à l’exemplarité du Weinlager ?
Philipp Esch : C’est la même chose partout ailleurs, y compris à Barcelone. Des investissements spéculatifs côtoient des projets plus vertueux. Il n’y a pas forcément de lien entre ces deux initiatives.
En ce qui concerne le développement des gratte-ciels à Bâle, il faut dire que la richesse à Bâle était traditionnellement cachée. Les quelques familles très riches en ont fait leur sport favori. Cette architecture d’entreprise, qui vise à dominer l’horizon de la ville, est récente.
Cela dit, il ne faut pas réduire les logements collectifs à des logements abordables. Il y a en effet un énorme problème avec les appartements de luxe, comme on peut le voir à Londres, où il y a trop de ces appartements, qui restent la plupart du temps inoccupés.
Cette situation ne doit pas nous amener à cibler les appartements à hauts revenus en général. Si ce type d’offre permet aux plus aisés de quitter leur banlieue pour venir vivre en centre-ville, cela peut aussi être un gain pour l’environnement et la durabilité en général. Vivre densément dans une ville sociologiquement mixte, tel est l’objectif, n’est-ce pas ?
Les riches ont également droit à la ville.
Philipp Esch : Il y a quelques années, nous avons réalisé un grand projet de 145 appartements haut de gamme avec seulement 15 parkings. Il est également possible de convaincre des personnes fortunées de vivre sans voiture, au cœur de la ville. Et ces appartements sont tous occupés. Il ne s’agit pas de biens à caractère spéculatif. Il y a 20 ans, cela aurait été impossible.
Barcelone s’est également engagé dans une stratégie à long terme visant à réduire la présence des voitures dans les zones résidentielles de la ville.
Carles Baiges Camprubí : Au cours de la dernière décennie, il semble qu’il y ait eu une volonté de limiter l’accès des voitures en ville, en particulier à Barcelone, où les transports en commun desservent presque tous les quartiers. Mais un paradoxe persiste : alors que nous aspirons collectivement à réduire l’usage de la voiture, les règlements de construction exigent que chaque appartement dispose de son propre parking. En quelque sorte, c’est comme si le logement social encourageait la possession d’une voiture. Résultat : nous nous retrouvons avec des immeubles neufs où la moitié des parkings restent inoccupés. Pour réellement réduire la place de la voiture, il est essentiel que toutes les réglementations convergent.
Des cas comme celui-ci, où une réglementation existante contredit un objectif général, sont fréquents. Par exemple, à Barcelone, les normes acoustiques ont été renforcées ces dernières années, au point que La Borda n’aurait pas pu être réalisée aujourd’hui telle qu’elle est, car elle ne répondrait pas aux exigences actuelles. Cela implique qu’il faudrait davantage de ressources financières et de matériaux pour l’isolation acoustique, ce qui rendrait impossible l’utilisation du bois, un matériau qui transmet beaucoup de sons. Nous nous retrouvons ainsi avec des agendas contradictoires : promouvoir le bois d’un côté, tout en rendant sa construction impossible de l’autre. Ce qui s’est passé avec les parkings est un exemple de ce type de contradiction. Heureusement, il a été relativement facile de convaincre les élus et les autorités techniques en démontrant le caractère obsolète de l’obligation de parkings.
Quelles sont vos références architecturales pour ces projets ? Y a-t-il une certaine continuité avec un langage moderniste, à Bâle et à Barcelone ? Dans le cas de Barcelone, il est intéressant de revisiter le modernisme dans la manière dont vous avez utilisé les ombrages. Dans les deux cas, la qualité architecturale a été déterminante pour le jury. La question de la méthodologie est venue ensuite. Nous pourrions donc revenir sur cet aspect des deux projets. Quelles sont les caractéristiques architecturales sur lesquelles vous vous concentrez ? Les plans, les typologies, les circulations, les vides, etc.
Philipp Esch : Je suis reconnaissant de cette question car nous avons beaucoup parlé des conditions politiques et économiques, mais en dernière instance, un projet est aussi une question de beauté. Un bon projet n’est rien d’autre qu’un changement dans la conception de la beauté.
Le Weinlager est difficilement comparable aux projets précédents, car il s’agit de notre premier projet de conversion à grande échelle. Au Weinlager, ce qui a été décisif, c’est la présence de la structure portante existante. Il n’y avait pas grand-chose d’autre d’attirant. La structure porteuse, configurée pour un usage industriel, était son principal attrait. C’est pourquoi nous avons fait des piliers le protagoniste du bâtiment. Les nouveaux piliers et les piliers existants. C’est un thème très moderne, la mise en valeur corbuséenne de la structure porteuse. Nous avons été très orthodoxes à cet égard, en affirmant dès le départ que la structure porteuse ne devait pas être affectée par les cloisons intérieures.
Quant aux références, elles sont moins stylistiques et plus liées à des ambiances et des sentiments. Le caractère massif de la structure porteuse initiale évoquait les temples égyptiens. Nous avons essayé de les contrebalancer cet effet en utilisant des piliers en bois. Nous avons introduit quelque chose de moins éternel et de plus éphémère. Shinohara nous a aidés à trouver une nouvelle structure porteuse qui nous semblait contemporaine et durable, avec une présence physique similaire à celle des piliers existants. C’est ainsi que nous considérons les références, plutôt que de citer l’architecture industrielle des années 1950.
Carles Baiges Camprubí : Il y a beaucoup de références, certaines provenant de solutions traditionnelles, comme la cour, qui vient du centre et du sud de l’Espagne et qui est appelée corrala. Elle consiste en de petites unités d’habitation regroupées autour d’une cour centrale. Ou encore, comme vous l’avez mentionné, l’utilisation de stores en bois. Il s’agit d’une méthode de construction durable et peu technologique. Nous avons aussi quelques références plus récentes, en Suisse, en Belgique et en France, ainsi que des exemples des années 1970 aux Pays-Bas avec Aldo van Eyck ou Hertzberger. Au-delà des emprunts stylistiques, nous avons essayé de nous inspirer de Hertzberger dans la manière dont les espaces communs s’articulent entre eux.
Y a-t-il une sorte de piège dans le fait de réaliser un projet exemplaire, mis en lumière, qui vous oblige à faire en sorte que le projet suivant soit aussi bon que celui qui a remporté le prix ?
Philipp Esch : Ce n’est pas un piège. Nous sommes très reconnaissants pour ce prix. Les logements collectifs constituent l’arrière-plan de la ville et méritent d’être mis en avant.
Carles Baiges Camprubí : Pour nous, il y avait une crainte, liée à l’attention médiatique et au fait qu’il s’agissait de notre premier grand projet. Nous craignions d’avoir atteint le sommet avant même d’avoir vraiment commencé. Et puis quoi ? Maintenant que nous avons réalisé trois autres projets similaires, nous avons surmonté cette crainte et sommes heureux que chaque projet apporte sa propre spécificité. Il y a une continuité dans ce que nous faisons d’un projet à l’autre. La Borda n’est pas une icône, car elle n’a pas vocation à être unique, mais nous sommes assez amusés de voir émerger des projets qui s’en inspirent comme référence. Nous considérons que ce genre d’emprunt est une bonne chose. Ce qui est moins amusant, en revanche, c’est l’emballement médiatique, avec toutes les confusions que cela entraîne. Il y a quelques jours, un article sur un autre projet coopératif utilisait l’image de La Borda pour illustrer une interview, ce qui n’a aucun sens. D’un autre côté, ce succès médiatique a suscité un intérêt accru pour l’habitat coopératif.
Cet entretien a été réalisé par Christophe Catsaros et Fabrizio Gallanti en juillet 2024 à l'occasion du premier prix européen pour le logement collectif. Il a été initialement publié par l'Architecture d'Aujourd'hui dans le cadre de la série arc en rêve papers.