Sabine Delcour vit et travaille à Bordeaux. Elle documente les processus de transformation urbaine depuis sa première commande, centrée sur l’arrivée du tramway en Seine-Saint-Denis. Régulièrement commanditée par La Fabrique de Bordeaux Métropole ou la Direction de l’Aménagement de Bordeaux Métropole, elle conserve la trace des territoires en pleine métamorphose : opérations d’aménagement, chantiers et transitions entre ville et nature. Pour l’ouverture de l’exposition en mars 2025, une photographie extraite de The dark side of the sun, série de 12 diptyques issue d’une carte blanche de La Fab, était installée dans une arche de la grande galerie. Sous un ciel d’hiver nocturne et cru, se déployait un « junkspace » – pour reprendre les termes de Rem Koolhaas – fait d’enseignes tapageuses, de parkings vidés et de lumières artificielles capturés à Mérignac-Soleil, zone commerciale de près de 69 hectares. « À ce moment où l’obscur confisque une partie de la vision, et inaugure la limite de la possibilité d’une image, commence mon travail », explique Sabine Delcour. Chaque plan large de la série s’associe à un échantillon photographié à l’aide d’une longue focale. La photographie est alors en « outil double, de compréhension du monde comme de perte de repères, d’échelles et de distances », ainsi que l’évoque le titre la série qui renverse l’attraction « solaire » du commerce pour en révéler la façade cachée, la nuit.
Au mois de juillet 2025, c’est au tour de L’observatoire des entrées de la métropole bordelaise, carte blanche pour Bordeaux Métropole, de prendre place dans la grande galerie d’arc en rêve. La série se concentre sur les éléments qui ponctuent l’arrivée en ville : aéroport, réseaux de mobilité, logements collectifs, parkings et zones commerciales etc. En développant ce travail sur les entrées urbaines – les derniers espaces encore constructibles et en pleine transition – sur une année complète (2023-2024), Sabine Delcour saisit les périphéries en mutation. Elle se place volontairement à distance des paysages qu’elle observe, ce qui efface la profondeur de ses images en plaçant tous les plans à même distance comme un décor, un collage. L’ordre d’apparition des photographies a été choisi avec soin, jouant les clins d’œil, les confrontations parfois ironiques ou humoristiques, mais toujours pleines de sens. Un récit se met en place. Au premier plan devant un hôtel à petit budget, une caravane de gens du voyage. Sous l’enseigne Feu Vert, des automobiles à l’arrêt, une piscine vide debout, des architectures aux formes improbables construites dans les années 1970-1980 et leurs extensions hasardeuses. Façades d’immeubles et de paquebots se confondent, de récents logements collectifs partent à l’assaut de Maisons du monde. Ces hyper lieux, ou ces non lieux, selon les uns ou les autres, cataloguent une France considérée par d’aucuns comme « moche », mais toujours habitée, même par des touristes et leurs valises, perdus sur un parking déserté.
Outre le traitement photographique de ces deux cartes blanches qui se répondent, les deux sujets entrent en résonance, d’abord par le territoire arpenté. « Il s’agit de regarder l’envers des villes, et de tenter de saisir ce que les zones périphériques peuvent avoir de commun » explique Sabine Delcour. Le temps long des ces travaux les relie également, comme un écho à celui des aménageurs qui renforce l’'importance de la photographie de terrain. Pour Sabine Delcour, « le temps est fondamental dans la lecture des espaces et des usages ». Ce qu’une plongée dans le portfolio que nous publions ne saurait contredire.