La définition du mot « territoire » du dictionnaire Larousse est la suivante : « portion de l'espace terrestre dépendant d'un État, d'une ville, d'une juridiction ; espace considéré comme un ensemble formant une unité cohérente, physique, administrative et humaine ». Cette définition sonne étatique, froide, bureaucratique et donne bien trop d’importance à des formes d’ordonnance et de pouvoir centralisées. Elle oublie même de citer les habitants de cette « portion ».
Nouvelles saisons, autoportraits d’un territoire, projet développé par arc en rêve centre d’architecture en 2025 s’éloigne de cette vision – relativement étriquée et finalement peu généreuse – de ce que constitue un territoire, en créant un espace où la multiplicité des récits qui composent la Gironde peuvent se manifester.
En 2023, nous nous interrogions sur la nécessité de recentrer notre regard sur Bordeaux pour raconter les modes de vie et les transformations en cours dans la ville où, arc en rêve est né en 1981. Les découpages administratifs nous paraissant trop étroits, nous avons conclu que pour beaucoup d’entre nous, l’espace de vie s’étend jusqu’au département voire au-delà, vers les Landes, la Dordogne ou les Charentes.
En définissant ce champ dont les limites restent assez floues, nous poursuivions un objectif totalement opposé à la définition du Larousse : pour nous, un territoire n’est pas une « unité cohérente » mais plutôt un agencement dynamique dans lequel des conflits, des oppositions et parfois des alignements ou des alliances temporaires se déploient à travers le temps.
Nous recherchions tout, sauf la cohérence, pour montrer comment les personnes habitent et agitent les lieux de leurs existences, et, aussi, comment nous pouvons intervenir, en tant que sujets actifs et preneurs de décisions, sur les processus de transformation.
Nouvelles saisons se veut une initiative démocratique, dans laquelle aucune institution, et encore moins arc en rêve, ne peut s’arroger le droit de présenter une version uniforme et monolithique de ce qui constitue le territoire dans lequel nous vivons. Toute imposition d’une vision unilatérale se serait apparentée à une tentative d’exercer un pouvoir, ce qui est très loin de nos pratiques. C’est, au contraire, par l’expression des différences et des points de vue moins visibles ou minoritaires que se déploie la possibilité de mieux ancrer les projets de transformation nécessaires pour s’adapter aux changements en cours.
Nouvelles saisons fonctionne donc comme un palimpseste ouvert, en constante évolution, articulé autour de différentes activités. L’exposition présente la complexité et les différentes manières par lesquelles le territoire, ou pour le dire plus précisément, les territoires de la Gironde, sont appréhendées. Ainsi, nous fournissons l’expertise et les outils pour que des narrations différentes puissent se rencontrer et instaurer un dialogue.
Trois propositions se combinent pour déployer ce principe : une exposition, des événements et des publications. La première, installée dans la grande galerie, ouverte depuis le 20 février 2025, présente plus de 70 contributions selon un principe de roulement, où l’accrochage et la muséographie évoluent au cours de la période d'exposition. Ces contributions sont issues d’un appel à candidature lancé en 2023, de cartes blanches proposées à des structures actives dans la région et d’invitations directes. Les participants proviennent de champs disciplinaires très différents, composant ainsi un récit polyphonique et toujours en mutation. Un travail d’écriture et d’accompagnement présente au public chaque contenu permettant au fil des mois de générer une mémoire de l’exposition elle-même.
La deuxième proposition prend la forme d’événements publics, organisés aussi bien dans les espaces d’arc en rêve (galeries, parvis, auditorium) qu’à l’extérieur. Performances, ateliers, visites de sites et de chantiers, tables rondes, repas ou conférences amplifient et creusent en profondeur les questions et les thèmes soulevés par les participants, permettant aux publics de partager leurs expériences et leurs vécus. L’accumulation des informations et des témoignages recueillis lors de ces événements nourrit progressivement les archives de Nouvelles saisons.
Enfin, la troisième proposition se constitue autour d’un corpus grandissant de réflexions qui se manifeste par des publications papiers et numérique et par la revue en ligne d’arc en rêve. Les publications sont issues des différentes contributions. Sous une couverture réalisée à partir du cartel de l’œuvre, une image de l’installation en conserve la mémoire, associée à des documents présentés dans l’exposition, parfois augmentés d’annexes plus détaillées. Les différents types de papiers et de formats font écho à l’hétérogénéité des contenus. Ces publications sont réunies dans un classeur consultable dans la dernière travée de la grande galerie, et sont également accessibles sur le site d’arc en rêve.
La revue explore et prolonge les questionnements soulevés par les différentes contributions. Publiés jusqu’à la fermeture de l’exposition, des textes de deux natures différentes se complètent. Les premiers sont des éclairages, une série d’entretiens et d’essais avec des experts de champs disciplinaires variés, illustrés par des contributions qui entrent en résonance avec les thèmes identifiés. Les seconds prennent la forme d’approfondissements de contributions en vue de constituer un fonds de réflexions sur les réalités de la Gironde et ses grands enjeux. Nouvelles saisons occupera ainsi progressivement une place éditoriale importante dans la revue au cours de l’été 2025, avant de s’y installer le temps d’une collection automne-hiver 2025-2026. Bonne lecture !