Fruit d'une collaboration entre arc en rêve centre d'architecture, Garagem Sur à Lisbonne et Z33 à Hasselt en Belgique, ce livre est l'aboutissement d'un projet qui a mobilisé les équipes des trois institutions pendant deux ans. Avec des contributions d'experts dans le domaine, des études de cas sélectionnées et la documentation des itérations de cette initiative, ce livre vise à devenir une référence dans le débat actuel sur les espaces d'apprentissage. Il renforce la vision optimiste partagée par tous les participants à ce projet : l'éducation publique est un fondement commun de l'Europe contemporaine, et les bonnes solutions architecturales peuvent renforcer et multiplier son pouvoir.
L'enseignement public a été la pierre angulaire de l'édification de la nouvelle Europe, qui a émergé des ruines de la Seconde Guerre mondiale. Jusqu'en 1989, l'attention accordée à la pédagogie pouvait être considérée comme l'un des rares aspects communs entre les pays appartenant aux anciens blocs capitaliste et communiste : dans les deux cas, l'accès à des écoles gratuites et l'extension progressive de l'enseignement obligatoire étaient considérés comme des outils cruciaux pour former le citoyen idéal .
À partir de l'après-guerre, un nouveau sujet émerge dans tous les pays industrialisés : l'adolescent. Ce personnage, qui n'avait jamais existé auparavant, n'est plus un enfant, mais n'est pas encore un adulte, bien qu'il soit officiellement reconnu comme tel depuis qu'il a atteint l'âge de 18 ans (dans de nombreux pays, à la fin des années 1960, le droit de vote a été ramené de 21 à 18 ans). En particulier dans l'Occident aisé, cette nouvelle subjectivité chevauche les classes sociales. L'idéologie, le style de vie et les goûts convergent en une étrange concoction de consumérisme et de rébellion. La manière d'éduquer massivement les adolescents devient une question cruciale en politique : tandis que l'âge du droit de vote est abaissé, l'enseignement obligatoire est prolongé dans de nombreux pays. C'est le moment où le lycée, qui n’est, jusqu'au début des années 1950, qu’un lieu de reproduction des élites bourgeoises, s’entend et se généralise, pour prendre un tournant décisif dans la vie de chaque adolescent. L'approche disciplinaire héritée du XIXe siècle, telle qu'analysée par Michel Foucault, perd de son emprise, érodée par la profonde contestation de 1968, puis remplacée par de nouvelles méthodologies expérimentales d'éducation collective.
Le projet « Classroom », qui s'articule autour de plusieurs composantes – une exposition itinérante, des ateliers avec des lycéens, une plateforme numérique dédiée, un symposium international et cette publication – est le fruit de la collaboration de trois institutions européennes spécialisées dans l'architecture, les arts et le design.
Ce n'est pas un hasard si arc en rêve centre d'architecture (Bordeaux, France), Garagem Sur - Centro Cultural de Belém (Lisbonne, Portugal) et Z33 - House for Contemporary Art, Design & Architecture (Hasselt, Belgique) ont rapidement établi un terrain commun d'échange, de dialogue et de travail collectif autour du thème de l'adolescence et des espaces de son éducation. Chaque membre du personnel travaillant pour ces structures a vécu des expériences personnelles similaires lorsqu'il était plus jeune : les souvenirs de ces années de formation peuvent être considérés comme le substrat mental collectif de tous les citoyens européens.
Lors de la mise en place de cette initiative commune, la pertinence d'une réflexion sur la situation de l'enseignement secondaire est apparue immédiatement comme une nécessité évidente.
Stimulés par les idées prospectives initiales du commissaire Joaquim Moreno, nous avons porté notre attention sur les espaces et les qualités physiques des sites que nous avons étudiés. La « salle de classe » pourrait dès lors être décrite comme une vaste enquête déductive : en analysant et en comprenant de multiples éléments de preuve tels que la disposition des bâtiments, leur présence dans le tissu urbain ou contre le paysage, les matériaux de construction, le mobilier et les détails, il devient possible de lire les intentions, non seulement des architectes et des concepteurs, mais aussi des éducateurs, des fonctionnaires et des politiciens.
À travers les études de cas sélectionnées pour l'exposition et le livre, « Classroom » a brossé le portrait kaléidoscopique de l'environnement dans lequel des millions d'Européens ont grandi. Le titre du projet est presque une tautologie puisqu'il se concentre sur l'architecture de notre environnement d'apprentissage le plus omniprésent, le plus obsolète et le plus contesté : la salle de classe. Considérant l'adolescence (et ses espaces souvent négligés, ceux de l'enseignement secondaire) comme le seuil par lequel les enfants se transforment en citoyens du futur, la salle de classe devient le prisme pour comprendre comment l'apprentissage se fait aujourd'hui et comment nous pourrions innover dans la conception de l'architecture des écoles secondaires. Le projet vise à identifier et à comprendre les meilleures pratiques, en soulignant les tendances et les solutions pour l'avenir, dans un contexte très dynamique où notre accès à la culture et à l'information évolue à la vitesse de la lumière.
Présentant les contributions d'experts dans le domaine, les recherches sous-jacentes au projet, les études de cas sélectionnées et la documentation des itérations de cette initiative entre France, Portugal et Belgique, ce livre a l'ambition de devenir une référence dans le débat actuel sur les espaces d'apprentissage. Il conforte la vision optimiste que tous les participants à ce projet ont partagée au fil des ans : nous croyons fermement que l'éducation publique est un fondement de l'Europe contemporaine et nous partageons la conviction que les bonnes solutions architecturales et de conception peuvent renforcer et multiplier son pouvoir.
Éditorial de l’ouvrage Classroom, a Teenage view, cosigné par Fabrizio Gallanti, André Tavares et Adinda Van Geystelen