entretien
  • « À la frontière », architecture et cinéma

  • Retour sur le 12e festival du film Arquiteturas de Porto

  • Shumi Bose

Dans cette conversation parue en anglais, Shumi Bose, rédactrice en chef de KoozArch, s’entretient avec Paulo Moreira, directeur du Arquiteturas Film Festival de Porto, Sílvia Leiria Viegas, architecte et membre du comité de pré sélection et Fabrizio Gallanti, membre du jury du AFF Awards et directeur de l’institution invitée cette année, arc en rêve. En explicitant le terme de « frontière » et en explorant l’importance accrue de la vidéo dans la compréhension des espaces urbains et architecturaux, cet article précise le thème du festival. Nous reproduisons ci-dessous une traduction de ce texte, avec l’aimable autorisation de KoozArch.

À la frontière : le thème de la douzième édition du festival de cinéma Arquiteturas

Texte paru en anglais dans KoozArch le 25 juin 2025, à retrouver sur leur site.


À l'approche de la douzième édition du festival de cinéma Arquiteturas à Porto1, nous discutons des nombreuses implications de son thème « À la frontière/Na Fronteira » et des prises de position sociopolitiques qui émanent des propositions de cette année avec Paulo Moreira, directeur du festival, Sílvia Leiria Viegas, architecte et chercheuse ainsi que Fabrizio Gallanti et son équipe de l'institution invitée, arc en rêve.



Shumi Bose (KoozArch). | C'est la 12e édition du festival de cinéma Arquiteturas et la cinquième sous votre direction. Pourquoi continuer à approfondir la relation entre l'architecture et le cinéma ?

Paulo Moreira. | Au fil des ans, nous avons compris que le cinéma est un puissant moyen d'explorer et d'exposer les questions architecturales, souvent d'une manière que les médias traditionnels ou les formats académiques ne peuvent pas faire.

Le cinéma nous permet de sentir et de nous engager dans les lieux, les processus et les conditions sociales qui façonnent l'environnement bâti. Depuis que nous avons repris le festival en 2021, chaque édition est dédiée à un thème contemporain urgent : la migration et les inégalités ; la décroissance et les pratiques slow (lentes) ; l'appropriation spatiale du quotidien et les modes de vie ; la décolonisation et l'effondrement écologique, et, cette année, les nombreuses dimensions des « frontières ».

Ces réflexions prennent forme à travers une série de collaborations qui cultivent le dialogue interdisciplinaire. Notre organisation, INSTITUTO, travaille en étroite collaboration avec des partenaires locaux et internationaux pour créer un programme multidimensionnel.

Le cinéma, de cette façon, n'est pas simplement un outil technique, mais avant tout, un moyen d'échange critique.

Chaque année, nous invitons une institution - cette année, arc en rêve centre d'architecture à Bordeaux. Pour le programme officiel, nous nous sommes associés à deux organisations portugaises, le CIAC (Centre de recherche sur les arts et la communication) et Cineclube de Faro, qui ont fait partie du comité de sélection de l'appel ouvert. Un jury indépendant décerne ensuite les prix.

Nous entretenons également des liens étroits avec notre communauté. L'édition de cette année prévoit une collaboration avec l'association des résidents de l'ancien quartier Bairro do Aleixo2, dont l'histoire a attiré l'attention des cinéastes au fil des ans, ainsi qu'avec l'Institut de sociologie de l'université de Porto, dans le cadre d'un programme axé sur la communauté.

Grâce à ce réseau, le festival est devenu une plateforme permettant d'examiner les questions architecturales et spatiales sous divers angles, en réunissant architectes, cinéastes, chercheurs et communautés habitantes.

Si le cinéma reste au centre des préoccupations, le festival est bien plus qu'une série de projections : les films servent de point d'ancrage à des conversations plus larges, développées par le biais d'installations, d'expositions, de débats, de masterclass, de visites guidées et de promenades urbaines.

L'un des principaux changements que nous avons introduits concerne la restructuration du programme en sessions axées sur le contenu, sans chevauchement, ce qui permet au public de suivre un circuit continu sur plusieurs sites, la plupart étant accessibles à pied. Ce principe crée un rythme collectif d'échange et de réflexion. De cette manière, le festival n’est pas seulement un rassemblement culturel, mais entraîne dans son sillage une communauté temporaire marquée par son engagement critique.

Kooz. | Cette année, le festival de cinéma Arquiteturas a pour thème « À la frontière » ou Na Fronteira. Pouvez-vous nous parler de la manière dont vous interprétez ce terme ?

PM. | L'objectif de cette édition est de rassembler diverses perspectives issues de l'architecture, de la pensée urbaine et des pratiques spatiales afin d'approfondir notre compréhension des frontières.

Le thème « À la frontière » est délibérément ouvert à l'interprétation, et le programme explore la manière dont les frontières physiques et symboliques façonnent les environnements construits et les territoires vécus. Plutôt que de dépeindre les frontières de façon littérale, la plupart des films sélectionnés examinent les conditions qu'elles génèrent, telles que les interactions entre le social et l'espace, les expériences d'appartenance et de déplacement, la violence structurelle ou les dynamiques d'oppression et de résistance.

Après avoir regardé l'ensemble des courts et longs métrages sélectionnés, j'ai proposé que Mother City (2024) – de Pearlie Joubert et Miki Redelinghuys – soit le film d'ouverture, car je pense qu'il donne un ton puissant et résonnant à l'édition de cette année. Le thème est approfondi par plusieurs événements conçus pour susciter le dialogue entre les participants et le public. Par exemple, un laboratoire interactif dirigé par Sofia Mourato, qui réfléchit à la manière dont cinéma et architecture peuvent fonctionner comme des outils de séparation ou de connexion. Avec un groupe de participants actifs, elle examinera les frontières internalisées - les habitudes de contrôle, de déconnexion et de pouvoir - et la manière dont elles influencent nos vies professionnelles et personnelles.

Tout au long du programme, les films et les discussions invitent à une réflexion critique sur les frontières disciplinaires de l'architecture, exposant leurs contraintes tout en explorant les possibilités de les franchir.

Films et conversations associés soulèvent en fin de compte une question pressante : si les idées peuvent circuler aussi librement, pourquoi les gens ne le peuvent-ils pas ?

Présentation d'arc en rêve à Circo de Ideias
Présentation d'arc en rêve à Circo de Ideias / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO

Kooz. | arc en rêve est le partenaire institutionnel de l'AFF de cette année. En tant que lieu d'exposition à Bordeaux, l'institution s’engage, grâce à un large éventail de médias et de formats, à promouvoir les conversations autour de l'environnement bâti. Que pensez-vous de la vidéo en tant que média et de sa capacité à favoriser le discours architectural ou, au autrement dit, l'expression architecturale ?

arc en rêve. | En tant qu'institution dédiée à la médiation de l'architecture vers de larges publics, pas nécessairement spécialisés, nous tenons particulièrement compte de la manière dont le contenu peut être diffusé et nous essayons d'expérimenter, dans nos expositions par exemple.

Ces dernières années, nous avons remarqué que la relative et nouvelle facilité d'accès et d'utilisation du matériel de tournage numérique a entraîné une augmentation de la quantité et de la qualité des films, des documentaires et des vidéos sur l'architecture. Ceux-ci peuvent être appréciés depuis le confort de sa maison, en les regardant sur son ordinateur, par exemple. Dans nos expositions, les maquettes et les vidéos semblent être plus appréciées que les dessins et les photos. Les films que nous projetons dans nos galeries fonctionnent plutôt bien car ils permettent aux visiteurs de saisir le sens de l'espace et de l'usage d'une manière différente de la photographie. En suivant le mouvement de la caméra autour d'un bâtiment, il est plus facile de comprendre sa forme, la séquence de ses espaces, son contexte et la façon dont les gens l'utilisent. De plus, la vidéo permet de déployer une narration, où images et textes sont imbriqués.

Enfin, nous avons remarqué que le visionnage d'une vidéo permet de changer de rythme au sein d'une exposition, en permettant aux visiteurs de s'asseoir et de faire une pause.

Sans surprise, un grand moniteur ou un écran de projection modifie notre habitude de regarder des choses sur nos téléphones ; ce changement de temps et de perspective est vraiment apprécié.

Kooz. | Classroom, a teenage view – projet monté en collaboration à plusieurs institutions, le Centro Cultural de Belém à Lisbonne, Z33 à Hasselt et arc en rêve à Bordeaux - sera repris en partie au Festival du film Arquiteturas. Pouvez-vous nous parler de son édition à Porto, dans le cadre du programme « At the border » ?

aer. | Cette édition se concentrera sur les documentaires que nous avons produits pour Classroom in 2022. Cinq écoles, conçues et construites dans les années 1950 et 60 – une en Angleterre, une en Allemagne, une au Portugal et deux en France – ont été sélectionnées par le commissaire de l’exposition, Joaquim Moreno, comme exemples de la qualité et de la résilience d'un certain type d'architecture citoyenne et moderniste, capable de s'adapter au fil du temps pour répondre aux besoins des élèves, des enseignants et du personnel. Pour chaque école, nous avons produit deux courts métrages : l'un composé d'entretiens avec les étudiants sur leur expérience des lieux et de leur arpentage et l'autre, une sorte de visite guidée de chacun des bâtiments. Ces films seront composés dans montage linéaire projeté dans une installation dédiée pendant le festival.

Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto.
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto. / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto.
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto. / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO

Kooz. | Quels sont les changements ou les tendances que vous observez dans le domaine des films d'architecture et dans les projets que vous examinez depuis des années ?

PM. | En définissant un thème spécifique qui aborde des questions contemporaines, plutôt qu'en lançant un appel ouvert aux « films d'architecture », nous avons naturellement affiné le champ des propositions soumises. Je le remarque de plus en plus : nous ne recevons plus beaucoup de films qui ne sont que des portraits monographiques d'architectes expliquant des projets ou des vues isolées de bâtiments. Nous parvenons à continuer à attirer des cinéastes indépendants, contrairement à de nombreux festivals plus axés sur l'industrie du cinéma. Nous trouvons ainsi un bon équilibre entre des sociétés de production plus établies et des films réalisés par des cinéastes émergents. J'apprécie cette atmosphère qui marque le festival, et nous sommes déterminés à entretenir cet esprit.

Kooz. | Sílvia, en tant qu'architecte engagée dans une recherche interdisciplinaire, votre travail se concentre depuis longtemps sur les questions relatives à l'accès au logement et aux conditions de vie adéquates pour les communautés immigrées et issues de la diaspora. Pourriez-vous nous parler de la pertinence du thème « à la frontière » dans le contexte international et national actuel ?

Sílvia Leiria Viegas | Nous vivons une période de changements rapides à l'échelle mondiale. Des facteurs politiques et économiques importants ont un impact profond sur notre vie quotidienne. L'Europe connaît une augmentation des menaces perçues et des discours de haine, qui alimentent la croissance des mouvements d'extrême droite. Il existe un mouvement général en faveur de la fermeture des frontières, tant physiques que sociales. Cela nous pousse à devenir plus actifs politiquement.

Je crois que nous devons utiliser notre position privilégiée, qu’elle soit relative ou absolue, pour questionner, reconnaître et demander des comptes sur nos réalités communes. Du global au local, et vice versa.

Ceci est particulièrement pertinent en ce qui concerne le logement et la migration, par exemple. Le logement est devenu une marchandise mondiale majeure, alimentant de puissants processus de gentrification et de « touristification » et attirant de grandes quantités de capitaux et d'investissements étrangers. Le Portugal n'échappe pas à cette tendance. Ces dynamiques complexes laissent de nombreuses personnes, en particulier des migrants défavorisés, en prise avec des conditions de vie déplorables et des opportunités limitées.

Pour résoudre efficacement ce problème, nous devons regarder au-delà de l'architecture et tirer des enseignements d'autres domaines, en particulier ceux liés à la migration. Nous devons également informer l'opinion publique afin de la sensibiliser et de susciter un changement global et positif. Les médias numériques, les arts, l'« artivisme » et la réalisation de films peuvent jouer un rôle crucial à cet égard en déclenchant des réactions émotionnelles profondes par le biais de la créativité. Ces réactions sont importantes pour soutenir la diversité spatiale et sociale, et pour promouvoir la compréhension interculturelle et la construction de la communauté. J'étudie cette question au CIAC (Université de l'Algarve) depuis 2022.

Kooz. | Votre travail positionne le droit à la ville3 comme un droit supérieur, en explorant des aspects essentiels mais peu glorieux de l'élaboration des politiques, de la gouvernance urbaine et du discours public et en examinant les effets socio-spatiaux sur la vie quotidienne des migrants défavorisés. D'autre part, vous vous intéressez aux médias et aux arts numériques, ainsi qu'aux espaces virtuels qu'ils produisent. Pensez-vous que la réalisation de films et le cinéma au sens large permettent de donner accès à d'autres espaces ?

SLV. | Nous devons imaginer des contre-récits. En étudiant l'activisme et en participant à des mobilisations, j'ai appris que des demandes sociales bien informées peuvent exercer une influence positive sur l'élaboration des politiques. À leur tour, ces dernières, ainsi que la gouvernance urbaine sont importantes pour aborder les questions « peu glorieuses » que vous avez mentionnées. Je suppose que vous faites référence à des questions sociétales et spatiales perturbatrices, telles que les questions de logement et de migration. Pour moi, cette influence positive peut être obtenue en considérant l'effet de l'élaboration des politiques et de la gouvernance urbaine sur la vie quotidienne, ainsi que la multitude de possibilités qui en découlent.

C'est pour cela que les contre-récits qui prennent en compte de multiples possibilités sont si importants, en particulier compte tenu de la croissance exponentielle de l'IA. Les systèmes d'IA utilisent les données en ligne pour reproduire les perceptions de la menace et les discours de haine, et pour renforcer la sécurisation et le contrôle des frontières. En réaction, nous devons fournir au monde numérique de nouvelles données et développer des contre-récits dans l'espace numérique. Mieux encore, nous devons tenter de développer un espace numérique diversifié et interculturel – pourquoi pas guidé par l'idée supérieure du droit à la ville - pour conduire le changement. Cela pourrait influencer le discours urbain et, par conséquent, l'espace urbain.

Le cinéma numérique peut enrichir ce paysage numérique en remettant en question les récits établis, en amplifiant les voix marginalisées et en conquérant le public par des images puissantes.

Projection au cinéma Batalha
Projection au cinéma Batalha / Photo by Antónia Nascimento, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO

Kooz. | Pourriez-vous partager vos réflexions – et les points forts – que vous avez relevés en tant que membre du comité de sélection du festival de cette année.

SLV. | J'ai fait partie du comité de sélection de cette édition aux côtés d'Ana Miguel Regedor, Isabel Carvalho et Mira Samonig. Ça été un processus fascinant et enrichissant, au cours duquel nous avons regardé, discuté et analysé plus de 100 courts et longs métrages provenant de 38 pays différents. Nous n'avons malheureusement pas pu projeter deux films qui me tenaient particulièrement à cœur. Je voudrais les mettre en exergue ici : Silence of Reason (2023) de Kumjana Novakova, et Hopes from the Tree (2024) de Haydar Demirtaş. Le premier est un film troublant qui aborde les crimes de guerre commis contre les femmes en Bosnie-Herzégovine. Il revisite les zones urbaines et les bâtiments où les crimes ont eu lieu et rend compte des multiples viols et autres formes d'abus physiques et mentaux qui y ont été perpétrés. Le second film traite du renforcement des frontières par des mines terrestres pendant la guerre Iran-Irak, ainsi que de la production et de l'utilisation de prothèses de pieds en bois aujourd'hui.

L'un de mes films préférés à l'AFF de cette année est Twin Fences (2024) de Yana Osman. Ce film intelligent et ironique raconte l'histoire de la production de masse de clôtures en béton standardisées en Union soviétique. Il dépeint des pratiques politiquement et socialement acceptées comme absurdes et aborde des questions telles que la violence personnelle, l'islamophobie et la haine. J'ai également estimé qu'il était important de sélectionner Free Words : A Poet from Gaza (2024) d'Abdullah Harun Ilhan, car il reflète ma position politique sur le génocide en cours à Gaza. Je dois souligner que le processus de sélection a été difficile, tant il y avait de films remarquables et importants à choisir.

Kooz. | En tant que directeur d'arc en rêve, Fabrizio Gallanti a fait partie du jury qui a examiné les films présélectionnés pour les prix de l'AFF - qui seront cette année marqués par de nouveaux trophées. Avez-vous relevé des thèmes, des préoccupations ou des dispositifs cinématographiques communs - et avez-vous eu des divergences d'opinion au sein du jury ?

aer. | Le jury a trouvé très rapidement un consensus au sujet sur les films récompensés. La vraie difficulté a été la très grande qualité des finalistes, qui nous a poussé à de riches conversations, avant de procéder aux choix définitifs. Sans trop en dévoiler, puisque les lauréats seront annoncés lors du festival4, on peut dire qu'il y avait un fil conducteur concernant la relation entre les gens et les espaces. On pourrait également dire que tous les films ont adopté un point de vue politique très fort pour regarder l'architecture et les villes.
L'architecture est davantage un prisme permettant de comprendre la société que le sujet même des films retenus.

Kooz. | De façon très généreuse, l'AFF s'intéresse à la situation de Porto, la ville hôte, et à celle du Portugal lui-même. Pouvez-vous nous en dire plus sur le volet Portugal Special de votre programmation ?

PM. | Ce programme est devenu l’un des fils conducteurs du festival, introduit pour mettre en avant des questions enracinées dans le contexte local comme national. Alors que les sections du programme officiel et des institutions invitées ont tendance à avoir une portée plus internationale, ce volet se concentre sur des questions spécifiques au pays. Cette année, le programme est centré sur une recherche sociale et une initiative communautaire explorant la mémoire collective des résidents du Bairro do Aleixo. Les anciens habitants ont été déplacés et relogés, leurs vies en ont été grandement perturbées.

Notre objectif est de créer un espace pour partager ces histoires de déplacement, façonnées par des processus de transformation urbaine et de marginalisation sociale.

Le programme comprend la première d'une version préliminaire de Memoria Futura (Mémoire future), un documentaire retraçant l'histoire et le travail en cours de l'association des résidents d'Aleixo, qui reste active et célèbre son 50e anniversaire cette année malgré la disparition physique du quartier. Ce projet est développé en collaboration avec la communauté et l'Institut de sociologie de l'Université de Porto, entre autres partenaires.

Des projections de films tournés à Aleixo sont également prévues : Russa (2018) de João Salaviza et Ricardo Alves Jr, et Bicicleta (2013) de Luís Vieira Campos, ainsi qu'un court métrage d'animation basé sur des dessins et des voix d'enfants d'anciens habitants. Le programme se termine par une promenade guidée sur le site du quartier, aujourd'hui inoccupé, et par une visite de l'exposition Aleixo : 5 tours, 5 décennies, qui envisage l'héritage de la communauté et ses futurs possibles.

Kooz. | En ce qui concerne la sélection de films portugais figurant dans le programme officiel, Sílvia, pouvez-vous nous en dire plus sur les grandes questions internationales que vous avez déjà évoquées ?

SLV. | J'ai trouvé que deux films étaient très importants parce qu'ils abordent des questions qui touchent le Portugal, comme les paradigmes urbains et de logement, la « périphérisation », la discrimination sociale, la ségrégation spatiale et les expulsions. Il s’agit de Maio (2025) de Claudio Carbone et d’Outra Ilha (2024) d'Eduardo Saraiva Pereira. Mon regard sur le premier documentaire est biaisé, car je suis impliqué dans les mobilisations pour le logement à Lisbonne depuis 2017. Je connaissais le quartier 6 de Maio, où se déroule le film, ainsi que le protagoniste et le problème de logement dépeint. Le message est clairement politique.

Le second film explore les problèmes quotidiens, les luttes et les frustrations des immigrés au Portugal, révélant leur déception de ne pas avoir réussi à obtenir une vie meilleure. Ces thèmes sont étroitement liés à ceux du film d'ouverture, Mother City (2024) de Pearlie Joubert et Miki Redelinghuys. Comme l'a mentionné Paulo Moreira, Mother City « donne un ton puissant à l'édition de cette année » et résume de nombreux thèmes de l'événement, notamment la lutte des classes, les questions de genre, l'apartheid spatial, la violence structurelle, la mobilisation sociale et la résistance, ainsi que la répartition du pouvoir.

Kooz. | Merci beaucoup pour votre temps.

Joachim Moreno présentant le catalogue de l'exposition Salles de classe dont il est le commissaire. / Joachim Moreno presenting the catalogue for the exhibition Classroom, which he curated.
Joachim Moreno présentant le catalogue de l'exposition Salles de classe dont il est le commissaire. / Joachim Moreno presenting the catalogue for the exhibition Classroom, which he curated. / Photo by Antónia Nascimento, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO

Le festival de cinéma Arquiteturas est une plateforme de discussion et de diffusion de l'architecture à travers des films, des installations, des débats et des visites, organisée par INSTITUTO. Il propose un programme en trois sections : Officielle, Institution invitée et Spécial Portugal. Le festival se déroule dans divers lieux de Porto, notamment au Batalha Centro de Cinema, Casa Comum, Canal 180, Circo de Ideias et INSTITUTO.

Paulo Moreira est architecte et chercheur, basé à Porto et à Johannesburg. Il est le fondateur et le directeur artistique d'INSTITUTO et le directeur du festival du film Arquiteturas. Chercheur à l'université de Wits, il est l’auteur de Reciprocidades (Circo de Ideias, 2023) et éditeur de Critical Neighbourhoods - The Architecture of Contested Communities (Park Books, 2022), et Aprender a Desaprender (Dafne, 2024), qui a reçu le prix FAD pour la pensée et la critique à Barcelone en 2025.

Sílvia Leiria Viegas est architecte et chercheuse au CIAC-UAlg. Elle développe le projet Refugee Research for (Post)Covid-19. Mesures nationales et actions locales en Algarve : Une visite numérique pour l'accès à un logement et à des conditions de vie adéquats (2022-2028). Elle a obtenu un doctorat à l'école d'architecture de Lisbonne en 2015 et a réalisé un postdoctorat au Centre d'études sociales de l'université de Coimbra de 2017 à 2022. Ses recherches portent sur l'architecture, les études urbaines, le logement, la migration et, plus récemment, les arts médiatiques numériques.

1. Il s’est tenu du 25 au 28 mai 2025.

2. Ancien quartier de logements sociaux entièrement démoli entre 2011 et 2019, NdT.

3. Concept élaboré par Henri Lefebvre qui considère le droit à la ville comme un « droit à la vie urbaine, à la centralité rénovée, aux lieux de rencontres et d’échanges, aux rythmes de vie et emplois du temps permettant l’usage plein et entier de ces moments et lieux », NdT.

4. Les quatre lauréats sont Mother City, Miki Redelinghuys et Pearlie Joubert, Afrique du Sud, 2024 ; When I came to your door, Antonio Paolonetti, Pays-Bas, 2024 ; Outra ilha, Eduardo Saraiva Pereira, Portugal, 2024 et The strong men of Bureng, Mauro Bucci, Italie, 2023, NdT.

Shumi Bose

Shumi Bose est rédactrice en chef de KoozArch. Elle est enseignante, curatrice et rédactrice dans le domaine de l'architecture et de l'histoire de l'architecture. Elle enseigne en tant que maître de conférences en histoire de l'architecture à Central Saint Martins ainsi qu'au Royal College of Art, à l'Architectural Association et à l'école d'architecture de l'université de Syracuse à Londres. Elle a organisé de nombreuses expositions, notamment à la Biennale d'architecture de Venise, au Victoria and Albert Museum et au Royal Institute of British Architects. En 2020, elle a fondé Holdspace, une plateforme numérique pour les discussions extrascolaires dans l'enseignement de l'architecture, et est actuellement membre du conseil d'administration de l'Architecture Foundation.

Présentation d'arc en rêve à Circo de Ideias
Présentation d'arc en rêve à Circo de Ideias / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto.
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto. / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto.
Installation de la sélection de vidéos issues de l'exposition Salles de classe, Instituto, Porto. / Photo by Gonçalo Gomes, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO
Projection au cinéma Batalha
Projection au cinéma Batalha / Photo by Antónia Nascimento, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO
Joachim Moreno présentant le catalogue de l'exposition Salles de classe dont il est le commissaire. / Joachim Moreno presenting the catalogue for the exhibition Classroom, which he curated.
Joachim Moreno présentant le catalogue de l'exposition Salles de classe dont il est le commissaire. / Joachim Moreno presenting the catalogue for the exhibition Classroom, which he curated. / Photo by Antónia Nascimento, courtesy of Arquiteturas Film Festival, organised by INSTITUTO