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  • Cinq visites d'architecture

  • en temps de confinement

  • Christophe Catsaros

Cinq promenades à vélo vers autant de projets parisiens de l’agence Bruther (Stéphanie Bru et Alexandre Theriot) deviennent le point de départ d’une réflexion sur la théâtralité urbaine, le greenwashing et les représentations de l’habitat collectif.

­Les métropoles confinées pendant la pandémie de la Covid-19 au printemps 2020 offraient à ceux qui, par nécessité ou curiosité devaient les parcourir, l’étrange sensation de traverser un décor. À Paris, cette déréalisation de la cité était aggravée par la sévérité des mesures de confinement, qui lui donnaient par endroits l’apparence d’une ville en état de siège, tirée d’un scénario post-apocalyptique. Les projets de l’agence parisienne Bruther (Stéphanie Bru et Alexandre Theriot) faisaient pour moi depuis quelque temps l’objet d’une réflexion sur la rencontre entre deux qualités pourtant jugées contradictoires : la sobriété et l’iconicité. Pouvait-on construire de façon élémentaire et en même temps faire preuve d’une sensibilité à la dimension scénique d’un lieu ? Le travail sur l’image est-il nécessairement le corollaire du façadisme ou pire encore, des gesticulations formelles ? Pouvait-on revendiquer l’iconicité au nom d’une nouvelle sensibilité publique ? Pour vérifier cette intuition, il fallait se rendre sur place, voir ces immeubles qui faisaient preuve de théâtralité, tout en restant simples et lisibles. Au croisement de ces deux aspects devait se trouver le sens politique de leur travail. Disposant d’une attestation à la limite de la provocation situationniste, pour « visiter à vélo les abords de cinq bâtiments », je me suis lancé dans une série de promenades, à la rencontre de cette architecture que j’imaginais scénique et non exubérante. Saclay, Porte de Vanves, Saint-Blaise, Cité Internationale et Limeil-Brévannes. Autant d’occasions de se confronter au réel pour mesurer comment la transformation de la ville en décor agissait sur une architecture doublement discrète : sobre et pourtant capable de structurer l’apparence d’un lieu.

Le Jour

Le Jour, Paris, 2018, Bruther architectes et Studios architecture
Le Jour, Paris, 2018, Bruther architectes et Studios architecture / © Baptiste Lobjoy

Le premier des cinq déplacements avait pour objectif d’aller voir Le Jour à la porte de Vanves. Il s’agissait d’une extension-rénovation d’un immeuble de bureaux des années 1980, tout ce qu’il y a de plus ingrat et générique. La page Wikipédia consacrée à la porte de Vanves permet de se faire une idée de l’apparence et de la volumétrie de l’ancien bâtiment reconverti. L’image intitulée « La porte de Vanves sous la neige » illustrait parfaitement l’incapacité d’une certaine architecture générique en verre à s’intégrer dans des contextes variés et contrastés. Le dégagement de la voie ferrée d’un côté et le front d’une rue parisienne de l’autre offraient l’occasion de faire exister un seuil. Le bâti pouvait orchestrer l’effet d’entrée dans la ville à partir d’une de ses portes. Sur l’image dont je disposais, l’architecture échouait immanquablement à remplir cette fonction. L’ancien bâtiment était posé comme un intrus qui n’avait pas sa place dans une composition. Son aspect « corporate », censé signifier l’appartenance au monde univoque et globalisé de la finance, relevait plus de la caricature que d’un quelconque récit de réussite.

Le quadrillage de la façade n’avait d’autre fonction que de tromper sur la taille réelle du bâtiment, qui semblait plus petit qu’il ne l’était réellement. Au lieu d’assumer cette différence de hauteur, l’immeuble en retrait s’efforçait, par un effet d’optique dont raffolaient les postmodernes, d’aligner ses douze niveaux sur les sept des immeubles adjacents. Vue d’un certain angle, l’illusion était parfaite. L’immeuble remplacé était caractéristique d’une croyance injustifiée dans l’invisibilité des surfaces en verre. La façade lisse et générique était censée s’effacer. Tout à l’opposé de l’effet souhaité, elle se démarquait tel le monolithe dans L’Odyssée de l’espace de Kubrick. Ce genre d’architecture iconique des années 1980, reposant sur des effets d’optique pour s’intégrer, restait étranger à la ville. Le morceau de quartz était impossible à absorber.

En arrivant à la porte de Vanves, j’ai pu constater que la reconversion changeait la volumétrie du bâtiment en ajoutant un socle de cinq étages devant et autour du volume existant. Cet ajout modifiait l’axe de la façade et rompait l’effet monolithique du gabarit que, dans sa version initiale, l’on avait essayé de dissimuler par une trame.

Tout à l’opposé de cette postmodernité des simulacres, la nouvelle configuration jouait la transparence. Non seulement on pouvait distinguer clairement les étages depuis la rue, mais on devinait aussi l’ancienne structure sous la nouvelle. Les colonnes de l’ajout étaient rondes, celles de la structure existante rectangulaires. Ne pouvant pas visiter l’intérieur, je me suis contenté d’en faire le tour. La facture était simple, honnête, avec un effort pour réduire autant que possible l’effet d’îlot privatif coupé de la ville, dont abusent la plupart des grands ensembles de bureaux. Le Jour jouait la carte de l’intégration en instaurant des transitions plus organiques entre l’espace privé et l’espace public. Là où cela avait été possible, l’enceinte avait été supprimée. Le parvis d’entrée et le côté donnant sur un espace vert étaient dépourvus de palissade. Seuls l’entrée du parking et le jardin dans le creux de la courbe du socle étaient fermés. Le Jour se présentait comme une reconversion qui ne cherche pas à s’effacer derrière un habillage. Une façon de rompre le cycle de relooking à courte échéance qui cadence l’immobilier d’entreprise. Tous les dix ans un rafraîchissement et toutes les trente années une reconversion lourde. Plus un immeuble est coté, plus son cycle de rénovation, calqué sur la durée courante des baux, s’accélère. Ce cadençage conditionne bien évidemment la qualité des travaux effectués. À quoi bon faire de la qualité quand on sait que tout devra être remis à neuf à brève échéance ? Les promoteurs ont inventé l’immobilier jetable et leur dernière trouvaille a été de travestir ces rhabillages spéculatifs en reconversions durables, visant à réduire l’empreinte énergétique d’un immeuble. L’apothéose du greenwashing.

Le Jour semble rompre le pacte tacite unissant les architectes décorateurs de bureau et un marché qui s’accommode des rotations courtes. Cette rénovation semble aller à l’encontre de la pratique d’obsolescence programmée qui caractérise de nombreuses rénovations de bureaux. De l’extérieur, la structure est apparente et le bâtiment exhale la malléabilité des friches culturelles.

L’immeuble témoigne d’une certaine flexibilité, qui permet de modifier certains usages sans avoir à repasser par une rénovation. Encore faut-il que les usagers en soient conscients et qu’ils aient le goût pour ce genre de choses.

Limeil-Brévannes

Passé le bois de Vincennes, il faut emprunter la départementale 19, une ligne droite sur 10 km qui longe Créteil, pour arriver à Limeil-Brévannes. L’immeuble réalisé par Bruther en 2013 se trouve à l’ouest de la commune pavillonnaire, sur un terrain en pente, en bordure d’un parc. La simplicité constructive de l’immeuble semble aller de pair avec le choix d’offrir aux habitants plus que ce qui est d’usage dans le parc immobilier social. L’absence de sous-sol et d’ascenseurs conditionne les gabarits et les circulations. L’immeuble comporte trois étages sur pilotis desservis par des coursives extérieures qui sont autant de lieux de vie. Le rez-de-chaussée est réservé aux voitures.

Aucune dissimulation, aucun camouflage. Les places de stationnement sous pilotis sont grillagées, les coursives ouvertes, les appartements traversants. En accédant aux étages, on comprend à quel point le système d’escaliers et de coursives qui structure la façade est conçu pour être approprié par les habitants. Chaque appartement dispose, outre d’un balcon privatif orienté vers le parc, d’un espace à végétaliser qui est intégré au système de coursives. Ces espaces transforment la coursive en béton en jardin partagé vertical offrant 10 m2 de jardin à chaque appartement. Trente centimètres de terre suffisent pour y faire pousser des arbres. Si cela est déconseillé pour des questions d’infiltration, rien n’empêche d’avoir devant sa porte un véritable potager.

Au sein de l’immeuble, il y a ceux qui l’ont compris et ceux que la perspective d’un jardin de proximité n’intéresse pas. Une partie de l’immeuble est verte, l’autre desséchée et délaissée. L’état des parcelles à végétaliser est l’indice d’une fracture sociale et culturelle. D’un côté ceux qui jouent le jeu, de l’autre les réfractaires, ceux pour qui remuer la terre est une condition qu’ils ont laissée derrière eux. Nulle envie chez ces derniers de jouer aux apprentis cultivateurs. Dans les deux cas de figure, l’immeuble offre cette possibilité et il n’est pas interdit d’espérer que les moins investis se mettront un jour à imiter leurs voisins qui bêchent et s’approprient par le jardinage l’espace partagé. La vie en collectivité peut parfois favoriser ce genre d’échanges. Le système de coursives unitaire, en digne successeur des expériences des années 1970, encourage le mimétisme et les échanges de voisinage. On ne peut s’empêcher de penser aux Smithsons et à l’espoir qu’ils avaient placé dans les rues suspendues. Leur idée était de greffer à tous les étages d’un immeuble la socialité qui prévaut dans une rue. Le fonctionnalisme avait d’abord tué la rue, pour la ressusciter de manière spectaculaire dans les grands ensembles des architectes de la TEAM10. Le projet des Robin Hood Gardens, qui est allé le plus loin dans cette quête, a été démoli en 2017. On pense aussi à Renaudie et Gailhoustet et aux expériences qu’ils ont menées sur un modèle d’habitat collectif avec jardin. Renée Gailhoustet habite encore le Liégat, l’ensemble qu’elle a réalisé en 1971 à Ivry-sur-Seine. Dans les trente centimètres de terre dont elle dispose au 4e étage de son immeuble, elle a fait pousser des arbres fruitiers qui lui donnent de l’ombre en été et cette étrange sensation d’être à la campagne, dans un grand ensemble, en pleine ville. Personne ne touchera au Liégat, tant que l’architecte y réside.


Saclay

Logements étudiants et parking réversible - Palaiseau 2016-2021- Baukunst
Logements étudiants et parking réversible - Palaiseau 2016-2021- Baukunst / © Maxime Delvaux

Le plateau de Saclay est toujours un défi quand il s’agit de s’y rendre en vélo depuis Paris. Le dénivelé important et la distance découragent quiconque envisage ce déplacement comme une simple promenade. L’absence de transports en commun, à l’exception d’une ligne de bus à haute fréquence, donnent au site parsemé de grues des airs de cité fantôme espagnole, et cela malgré les milliers d’étudiants qui s’y activent, déjà. En attendant l’arrivée du Grand Paris Express, le nouveau campus, vitrine souhaitée de l’enseignement et de la recherche scientifique françaises, reste peu accessible pour qui ne dispose pas d’une voiture.

Les étudiants coincés pendant le week-end dans ce campus perdu au milieu des champs, se retrouvent parfois, sans l’avoir souhaité, dans un décor de film néoréaliste. Saclay peut avoir des airs de banlieue romaine aux rues désertes, telle qu’elle a été filmée par Antonioni dans l’Éclipse. Le confinement n’arrangeait pas les choses. L’immeuble en question était reconnaissable par les voûtes en béton de son toit. Le chantier était arrêté, le grillage d’enceinte à terre. L’immeuble était en cours de finalisation. Il pouvait, en cas de reprise des travaux, être prêt pour la rentrée suivante, à cinq mois de là. Les trois premiers niveaux étaient dédiés au stationnement. Les rampes d’accès spacieuses trahissaient leur fonction. Les trois niveaux supérieurs étaient consacrés à l’habitat. La mise en scène des circulations verticales par les escaliers en colimaçon spectaculaires conférait à l’ensemble une dimension ludique, qui faisait déjà partie de l’esprit du lieu. Le choix de ne pas dissimuler, de ne pas camoufler la partie la moins noble du programme, déterminait l’ensemble organisé autour d’une grande cour plantée. Des ponts transformaient en carré le bâtiment en U. L’État avait voulu d’un campus exemplaire dans une zone non desservie. Il fallait assumer, ne serait-ce que provisoirement, le rôle de la voiture individuelle dans l’écosystème qui allait se mettre en place. Cette non-dissimulation m’apparut comme un contrepied à certains aménagements qui surjouent leur attachement aux mobilités douces, tout en offrant par des parkings souterrains la possibilité d’aller d’un intérieur à l’autre sans nécessairement sortir à l’air libre. Du foyer au bureau via son parking souterrain, c’est le parcours anesthésiant qu’effectuent tous les matins des millions d’employés. Le comble de l’aliénation n’est pas de vivre et de se déplacer en homme ou en femme d’intérieur, mais de le faire de façon non assumée, dans un cadre qui prétend le contraire. L’honnêteté du dispositif avait le mérite de rompre l’aliénante illusion d’être dans un monde durable, quand on ne l’est pas. Prendre conscience de sa véritable condition, aujourd’hui écologique, jadis sociale, n’était-ce pas le premier pas vers une émancipation ? L’immeuble, par sa radicalité, pouvait être le vecteur d’une telle prise de conscience.

Le fait que les parkings ne soient pas souterrains présentait un dernier intérêt : celui de la réversibilité. Dans un monde où la voiture individuelle n’aurait plus sa place, les trois niveaux dédiés au stationnement pourraient être reconvertis en logements ou en espaces commerciaux.

Contrairement aux aménagements souterrains, couteux et immuables, l’intégration du parking dans la partie émergente d’un bâtiment est un acte de franchise qui appelle, avant même d’avoir servi, sa transformation.

Sur le chemin du retour, j’ai traversé des quartiers entiers de nouveaux ensembles néoclassiques. Au Petit Clamart, le tronçon de l’A86 qui surplombe le rond-point avait été recouvert sur toute sa longueur d’un décor de ferronnerie Eiffel. Cela s’appelait un embellissement. La ville moderne et ses contradictions devaient disparaître sous des couches de plâtre et de constructions en acier galvanisé protégé d’un traitement anti-graffiti.

Les contradictions pourtant demeuraient entières. Le camouflage de la voie rapide ne remettait pas en question son fonctionnement ni le rôle prépondérant de la voiture dans les déplacements des habitants de cette commune. Le camouflage avait pour fonction de rendre supportable un mode de transport nuisible mais incontournable. Le décor du Petit Clamart était l’extrême opposé de la superposition radicale de Bruther à Saclay.

Les Hauts-de-Seine étaient en train de glisser irrévocablement dans l’illusion d’un néo-haussmannisme générique de piètre qualité. Quelqu’un qui aurait vécu pendant ses études dans un immeuble manifeste comme celui que je venais de visiter, pourrait-il par la suite aller vivre dans un ensemble néoclassique ? Cela me sembla pour un bref instant impossible.

Cité internationale

Résidence pour chercheurs Paris, 2014-2018
Résidence pour chercheurs Paris, 2014-2018 / © Julien Hourcad

La résidence pour chercheurs n’était pas accessible en période de confinement. Le parc de la Cité internationale était fermé et seuls pouvaient y pénétrer les quelques étudiants étrangers confinés à Paris. Par chance, le bâtiment se trouvait en bordure du périphérique. On pouvait donc l’apercevoir de deux côtés, celui qui donnait sur l’avenue André Rivoire et celui qui faisait face au périphérique.

Dans le monde d’avant, emprunter le périphérique à vélo aurait été un acte suicidaire. Ce jour-là, compte tenu de la baisse du trafic, cela paraissait envisageable. L’immeuble sur pilotis semblait tirer sa force de la proximité avec le périphérique, au lieu d’être considéré comme une simple nuisance. Ses fenêtres structurées horizontalement devaient offrir aux résidents des perspectives très cinématographiques sur le flux incessant.

Comme à Saclay, un escalier en colimaçon et une passerelle théâtralisaient l’accès et les déplacements verticaux. La résidence entrait en dialogue avec une légende de l’architecture moderne du campus : la Maison de l’Iran de Claude Parent, un chef d’œuvre d’architecture métallique, désaffecté pour non-conformité aux normes incendies. La résidence pour chercheurs revisitait certaines des caractéristiques de l’immeuble de Parent, comme son penchant affirmé pour une conception techniciste de l’habitat.

La résidence redonnait à cette approche ses lettres de noblesse, comme pour contredire le bannissement normatif qui excluait les démarches expérimentales comme celle de Parent. La technicité du bâti selon Parent n’avait rien à voir avec les boîtes noirs opaques qui structurent nos vies. Elle devait être simple et fonctionnelle. Elle devait contribuer à l’intelligence d’un environnement et reposait sur une activation volontaire par l’usager. Maniable et flexible, elle permettait l’appropriation de l’édifice par l’habitant. Le système de fenêtre à soufflets de la résidence partageait cette vision d’une technicité maniable du bâti. Avec la baisse du trafic en ce jour ensoleillé d’avril, de nombreuses fenêtres étaient entrebâillées. La proximité des deux immeubles rendait lisible une filiation, un certain air de famille dans la façon qu’avait Bruther de saluer le technicisme humaniste de Claude Parent.

Saint-Blaise

Centre culturel et sportif, Saint-Blaise, Paris 2011-2014
Centre culturel et sportif, Saint-Blaise, Paris 2011-2014 / © Filip Dujardin

Je connaissais déjà Saint-Blaise pour m’y être rendu un peu plus tôt dans l’année. J’y suis tout de même retourné pour vérifier ma première impression : celle d’une certaine théâtralité dans la façon d’activer l’espace entre une école maternelle postmoderne réalisée en 1985 par Architecture Studio et un ensemble d’habitations de la même période. Le quartier est caractéristique des efforts entrepris dans les années 1980 pour générer des ensembles aussi stratifiés et variés que la ville historique. L’heure était à la complexité formelle, à la synthèse entre le nouveau et l’ancien.

Le centre d’animation Wangari Maathai faisait bien plus que remplir sa fonction de condensateur culturel d’un quartier populaire parisien. Il parvenait, par sa position centrale et sa compacité, à compléter le projet urbain initial. Il s’inscrivait dans la continuité du quartier tout en introduisant des qualités et une dynamique qui n’existaient pas avant sa création. Il faisait le choix d’un accord avec l’existant. Utilisant comme arrière-fond la palette chromatique plutôt claire des immeubles de logements, il se démarquait par la transparence de sa partie basse et les tonalités noires de sa partie supérieure, tout en restant organiquement lié au quartier qu’il active.

Lors de cette deuxième visite, il m’est clairement apparu à quel point le bâtiment travaillait en négatif l’intérieur du périmètre délimité par les constructions environnantes. Le centre Wangari Maathai est un cas d’école qui permet de comprendre ce que peut être une architecture contraponctuelle et non ostentatoire, iconique mais non gratuite, très loin des gestes spectaculaires dont la finalité n’est autre que d’exposer le talent de leur concepteur.

Ici, la valeur iconique du bâtiment est au service du quartier. En sublimant le réel, l’architecture du bâtiment se met au service d’un contexte bâti, de la même façon que le centre d’animation travaille à l’épanouissement des habitants. Une architecture de service public. Le titre de la contribution de l’OMA à la Biennale de Venise en 2014, lui sied à merveille.

Dans sa façon de structurer l’espace dans lequel il s’insère, le centre Wangari Maathai est l’acte qui complète et rend de nouveau habitable un aménagement urbain public pourvu de qualités, mais dévalorisé par son devenir-ghetto. L’architecture devient ici l’indice d’un souci du commun capable d’inverser l’irrémédiable déclin des quartiers populaires.

Christophe Catsaros

Critique d'art et d'architecture et journaliste indépendant a collaboré dans plusieurs revues d'architecture, notamment D'Architectures, Archistorm ou Tracés.

texte paru dans la revue de l'École des Arts Décoratifs, Décor