Le Procès
Orson Welles, 1962
jeudi 04 oct. 2018, 20:00
projection suivie d'un débat avec Christophe Catsaros
Que ce soit la gare d’Orsay désaffectée et transformée en tribunal dystopique ou l’appartement d’une banlieue yougoslave au plafond extrêmement bas qui ouvre le film, Le Procès d’Orson Welles regorge de passages où l’architecture joue un rôle déterminant dans la transposition moderne du récit de Franz Kafka. C’est pourtant l’éclairage des espaces collectifs (tribunaux, espaces de travail, salles d’attente) qui constitue le point culminant d’une réflexion d’ordre architecturale. Jouant avec les clairs obscurs, les lumières aveuglantes et l’éclairage fluorescent, Welles fait de la « nuit électrique » un élément du cauchemar. Exploitant le caractère anxiogène de l’éclairage écrasant et du néon, Welles réactualise l’angoisse kafkaïenne sur des plateaux uniformément éclairés où des salariés travaillent dans un capharnaüm dactylographique. Prenant à contrepied l’optimisme de son époque qui voit dans cette luminescence un contexte idéal pour l’émergence de la société du loisir, au consumérisme sain et aux désirs assouvis, Welles en fait le symbole d’un nouveau totalitarisme. Il inaugure ainsi une nouvelle façon de remettre la modernité en question, qui repose sur une déconstruction des bienfaits de l’illumination de la ville des années 1960.
Hashti Tehran
Daniel Kötter, 2016
vendredi 30 nov. 2018, 20:30
projection en présence du réalisateur Daniel Kötter, suivie d’un débat avec Christophe Catsaros, critique d'art et d’architecture
Hashti Tehran est un film et un projet discursif initiés par Daniel Kötter. Partant de l’idée que Téhéran représente elle-même une maison, pour ainsi dire le cercle intérieur de la République islamique d’Iran, la périphérie de la ville devient l’espace de transition entre intérieur et extérieur, entre urbain et non urbain. Ainsi le projet se penche sur quatre sites très différents à la périphérie de Téhéran ? : la montagne de Tochal au nord, la zone autour du lac artificiel Chitgar à l’ouest, la construction de logements sociaux appelée Pardis Town à l’extrême est et le quartier Nafar Abad aux bords sud de la ville. En combinant road movie et documentaire architectural et en inversant les techniques des plans intérieurs et extérieurs, le film Hashti Tehran dépeint Téhéran à travers ses espaces périphériques.
Main basse sur la ville
Francesco Rosi, 1963
vendredi 1er fév. 2019, 20:15
projection suivie d'un débat avec Christophe Catsaros
Faisant tristement écho à l’actualité des effondrements d’immeubles insalubres à Marseille, Main basse sur la ville s’ouvre sur une catastrophe similaire: un immeuble populaire qui s’effondre à Naples. Ce sera le premier tableau d'une série censée reconstituer les forces et les mécanismes de corruption qui gouvernent Naples et sa politique urbaine. Dans ce long métrage d’action à haute teneur documentaire réalisé en 1963 par Francesco Rosi, la ville est présentée comme l’objet des désirs, des projections de ceux qui en sont à la tête. Aux promoteurs immobiliers viennent s’opposer des élus communistes qui réclament une transparence, pour le moins délicate à obtenir, dans la conduite des affaires.
Jusqu’où la parabole entre Naples dans les années 1960 et la fabrique actuelle de la ville, tient-elle la route ?
La pierre triste
Filippos Koutsaftis, 2000
jeudi 11 avr. 2019, 20:00
projection suivie d'un débat avec Christophe Catsaros
Récit cinématographique d’une ville, La Pierre triste de Philipos Koutsaftis perd de vue l’objectif qu’il se fixe pour mieux le retrouver dans l’objet de sa distraction. Le point de départ est l’ambition documentaire, celle de récolter, sur une décennie, des images des fouilles archéologiques préventives dans la ville industrielle d’Eleusis, au sud d’Athènes. Grand centre de pèlerinage du monde antique, Eleusis est devenue une banlieue pauvre et le cinéaste grec choisit d’en saisir la lente transformation. Prévenu à chaque fois par les archéologues, il arrive toujours au bon moment : celui où sort de terre un fragment du temps disparu. Ses allers et venues planifiés croisent ceux d’un étrange personnage, un clochard céleste paranoïaque et méticuleux, Panagiotis Farmakis, qui cherche dans les décharges les tas de gravats que les archéologues ont jugés sans intérêt. Farmakis trouve régulièrement des pièces antiques, des fragments, des objets d’une valeur inestimable qu’il ramène, à son tour, au musée archéo- logique. Il permet au cinéaste de quitter sa trajectoire bien tracée, révélant ainsi, telle une théophanie, le sens anthropologique du temps. Les mystères d’Eleusis consistaient en une initiation: celui qui savait introduisait celui qui ne savait pas encore dans le cercle fermé des détenteurs de la vérité. Il n’est pas exagéré de considérer que le film de Koutsaftis est une véritable initiation cinématographique, autrement dit un apprentissage du temps.