Park
Sophia Exarchou, 2015
jeudi 24 septembre 2020, 20:15
projection suivie d’un débat avec Christophe Catsaros, critique d'art et d'architecture
Park de Sophia Exarchou, réalisé en 2015 mais ressorti en salle cet été, met en scène la déshérence d’une bande d’adolescents dans les ruines contemporaines du complexe olympique d’Athènes. Dix ans après les Jeux de 2004, la Grèce traverse la plus sérieuse crise économique de son histoire récente. La ville n’a pas su reconvertir les infrastructures réalisées à grands frais. Le bilan est d’autant plus grave que l’une des causes de la crise économique n’est autre que l’endettement dû au chantier pharaonique des Jeux.
Le décor d’une infrastructure neuve abandonnée dans le film d’Exarchou n’est pas sans rapport avec les codes du cinéma post-apocalyptique et le principe d’un regard rétrospectif sur les ruines d’un futur qui n’est jamais advenu. Car plus qu’un passé, les ruines olympiques portent en elle la promesse non tenue d’un développement avorté.
En mettant en scène les stades et équipements abandonnés, Park nous rappelle que l’issue du pari olympique n’est pas toujours heureuse. La nature des Jeux serait-elle en partie responsable de ce revers ? L’olympisme, dans sa version globalisée et spectaculaire, serait-il irrémédiablement dopé, à l’instar des nouveaux dieux du stade qu’il produit ? Les Jeux, pris dans la spirale exponentielle, paraissent plus en plus détachés de la réalité des sociétés dont ils se servent sans jamais leur rendre ce qui leur revient.
Le film d’Exarchou se construit sur les deux principaux échecs du pari olympique : sa promesse d’une cité idéale qui n’adviendra jamais, et celle d’une jeunesse épanouie dans l’exploit sportif, dont la bande d’adolescents en déshérence n’est que la parodie hallucinée. Comme tout événement sujet à une surexploitation médiatique, les Jeux semblent prisonniers de leurs paradoxes. Ils substituent aux villes l’image radieuse d’une société épanouie dans l’effort sain et le volontariat. Sauf que cette image idyllique n’est qu’un décor télévisuel, sans lien avec la vie des citadins relégués au rang de spectateurs ou de figurants. La réalité, une fois les Jeux terminés, est plutôt à chercher dans les déchets urbains (les stades inutilisés) et humains (les jeunes désœuvrés). La désolation post-olympique étant en partie imputable au coût du décor de la fête testostéronée, on peut légitimement se demander par quelle spéculation, par quelle torsion illusoire des besoins réels d’une société, les Jeux trouvent encore preneur. Les ruines modernes d’Athènes telles qu’elle apparaissent dans le film d’Exarchou sont le triste rappel de cette réalité.